VATICAN CITY (VATICAN CITY)
Présence [Montreal, Canada]
March 17, 2023
By Francois Gloutnay
Deux Canadiens en font partie
Le pape François devrait «rendre compte publiquement de l’impact de Vos estis lux mundi», ce motu proprio qu’il a promulgué en 2019.
Il devrait aussi «révéler publiquement les noms des évêques et des supérieurs religieux» qui, depuis la mise en œuvre de ce texte juridique, ont fait l’objet d’une enquête parce qu’ils sont soupçonnés d’avoir commis des abus sexuels ou encore d’avoir dissimulé des plaintes reçues de victimes.
Ces deux demandes ont été formulées par Anne Barrett Doyle, une des dirigeantes du site américain BishopAccountability.org qui collige depuis 20 ans des informations sur la crise des abus sexuels dans l’Église catholique, tant aux États-Unis que dans le monde entier.
Le pape François «avait pourtant promis que Vos estis lux mundi ouvrirait une nouvelle ère de responsabilité» pour l’Église catholique, a-t-elle rappelé lors d’une conférence de presse tenue le mercredi 15 mars 2023.
Mais voilà que près de quatre ans après sa promulgation, personne ne sait avec certitude quels évêques ou supérieurs ont fait l’objet d’une enquête menée selon les termes de son motu proprio.
«L’Église catholique compte aujourd’hui quelque 5 600 évêques et, à ce jour, nous ne connaissons que les noms de 40 évêques» qui pourraient peut-être avoir été enquêtés, blanchis ou sanctionnés «en vertu de cette loi dont on nous avait dit qu’elle serait révolutionnaire», déplore Anne Barrett Doyle.
Secret et responsabilité
Et si elle peut estimer le nombre des évêques ciblés à 40 – il y a deux évêques canadiens dans la liste de BishopAccountability.org – «c’est en grande partie grâce au courage des survivants et à l’efficacité des journalistes».
«Nous connaissons ces noms parce que nous faisons tous les jours des recherches sur Internet. Nous les connaissons malgré le silence du pape François», a-t-elle déclaré.
«S’il est une leçon que nous espérions que la hiérarchie aurait apprise au cours des 20 dernières années, c’est bien le danger du secret.» Dans l’Église catholique, affirme-t-elle, «la responsabilité et le secret ne peuvent coexister».
«Combien d’évêques complices dirigent encore des diocèses? Combien d’ordres religieux sont dirigés par des prédateurs dont les accusations sont crédibles?», a-t-elle demandé mercredi.
Le pape François a dit souhaiter la transparence. «Pourtant, il laisse les fidèles dans l’ignorance», a-t-elle déploré.
«Les survivants et les catholiques pratiquants n’ont pas seulement besoin de ces informations, ils ont aussi le droit de les obtenir.»
Si le pape consent enfin à publier cette liste des évêques et supérieurs qui ont commis des abus ou les ont dissimulés, elle espère qu’elle «sera complète et détaillée». Cette liste devrait inclure «la nature des allégations et le statut de chaque cas».
«Ces révélations seraient tellement importantes», dit-elle. «Elles assureraient la protection des mineurs, rassureraient les paroissiens, rétabliraient la confiance et constitueraient un exemple à suivre pour les évêques et les supérieurs religieux du monde entier.»
Deux Canadiens
Lors de cette conférence de presse, BishopAccountability.org a remis aux journalistes deux listes d’évêques comprenant respectivement 18 et 22 noms. La première concerne les évêques qui ont fait l’objet de dénonciations, la seconde indique ceux qui ont dissimulé des abus commis dans leurs diocèses respectifs.
C’est dans la première liste, celle des évêques qui sont identifiés par des victimes présumées, que l’on trouve les noms de l’évêque Jean-Pierre Blais et du cardinal Marc Ouellet, ex-archevêque de Québec.
Dans le cas du cardinal Ouellet, on explique que c’est une lettre de son successeur, le cardinal Gérald Cyprien Lacroix, qui a permis à l’organisme de faire un lien direct entre le motu proprio Vos estis lux mundi et les allégations d’inconduite sexuelle qu’une femme a déposées contre l’actuel préfet du Dicastère pour les évêques.
«Le Saint Père a fait réaliser une enquête préliminaire selon la procédure prévue par Vos estis lux mundi, sans participation directe ou indirecte de l’archidiocèse de Québec», a précisé le cardinal Lacroix dans une lettre «strictement confidentielle» mais rendue publique par l’hebdomadaire français Golias. À la fin de cette même lettre, le cardinal Lacroix a indiqué à la victime présumée que le pape a pris la «décision de ne pas retenir l’accusation portée contre le cardinal».
Concernant l’évêque de Baie-Comeau Jean-Pierre Blais, nommé dans une action collective contre l’archidiocèse de Québec, BishopAccountability.org assure que cette «allégation a été signalée aux supérieurs de l’Église conformément à Vos estis lux mundi».
À ce jour, on ne sait toujours pas si le Vatican a imposé à l’évêque de Baie-Comeau «des dispositions ou des mesures conservatoires appropriées» à son encontre (article 15 du motu proprio) dans l’attente que l’action collective contre l’archidiocèse de Québec soit entendue par les tribunaux.
Du 6 au 9 mars 2023, Mgr Blais était présent à Trois-Rivières à la rencontre semi-annuelle de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ). Il était par contre absent lors du rassemblement sur le processus synodal organisé par ses confrères durant leur réunion de quatre jours.
Questionné sur la présence de son nom dans la liste de BishopAccountability.org, Mgr Blais a fait indiquer par son Service des communications qu’il n’émettra aucun commentaire à ce sujet.
Sur sa participation à la plénière de l’AECQ, son équipe a répondu que «Mgr Blais est toujours évêque du diocèse de Baie-Comeau». On indique toutefois que, «compte tenu du contexte, depuis plusieurs mois, il s’est retiré volontairement de tout ministère public». C’est la première fois que l’évêque de Baie-Comeau confirme son retrait volontaire «de tout ministère public».