QUéBEC CITY (CANADA)
Radio Canada International [Montreal, Canada]
September 2, 2022
By Sylvie Fournier and Daniel Tremblay
Quinze nouveaux plaignants se sont ajoutés à l’action collective contre le diocèse de Québec depuis la publication de la liste des présumés agresseurs sexuels. Les noms d’un évêque auxiliaire et de deux chanoines y apparaissent. Parmi les personnes visées se trouvent des récidivistes qui auraient fait jusqu’à sept victimes.
Quelques dignitaires, plusieurs multirécidivistes, de très jeunes victimes et des cas d’abus portés à la connaissance des autorités ecclésiastiques sans qu’elles n’agissent : les allégations récentes contenues dans l’action collective contre le diocèse de Québec révèlent un sombre tableau du sort qui aurait été réservé aux victimes, ainsi que des secrets parfois bien gardés.
Enquête s’est penché sur le parcours de plus de 80 religieux, dont plusieurs inconnus, qui apparaissent dans un document déposé dans le cadre du recours en justice visant l’ensemble des agressions sexuelles qui auraient été commises par des personnes sous l’autorité du diocèse depuis 1940. Plusieurs d’entre eux sont décédés.
Cent seize plaignants sont désormais inscrits au recours, dont la vaste majorité était des personnes mineures au moment des faits allégués. On s’attend à ce que ce nombre continue d’augmenter avec la divulgation de l’identité des présumés agresseurs. Leurs cas s’ajoutent à des milliers d’autres qui auraient été agressés par des religieux au Québec depuis les années 1930.
Des dignitaires parmi la liste
Outre le cardinal Marc Ouellet, qui nie fermement les allégations portées contre lui par une plaignante dont la dénonciation a forcé le Vatican à réagir le 16 août dernier, d’autres membres du haut clergé font partie de cette liste.
Parmi eux, un évêque auxiliaire de Québec, Mgr Jean-Paul Labrie, aurait commis des attouchements envers deux adolescents dans les années 1960 alors qu’il occupait les fonctions de supérieur du séminaire de Saint-Victor de Beauce.
Le nom de Mgr le chanoine Ulric Couture apparaît sept fois sur la liste, ce qui ferait de lui un des pires récidivistes. Il aurait fait ses victimes dans des lieux différents, dans sa voiture, au presbytère, à l’église et au Petit Séminaire de Québec, entre autres. Le plus jeune plaignant avait 7 ans au moment où les agressions seraient survenues.
Le chanoine Jean Poulin est quant à lui visé par des allégations d’attouchements sexuels envers un adolescent. Les gestes se seraient aussi produits en 1963 au Petit Séminaire de Québec, où il a œuvré entre autres à titre de professeur et de directeur spirituel, avant de devenir supérieur de l’établissement.
Un enfant agressé 500 fois
À lui seul, le curé Jean-Marie Bégin aurait fait au moins six victimes dans la région de Thetford Mines entre les années 1950 et 1970. Les plus jeunes n’avaient que 8 ans, selon les allégations.
Dans un cas, les gestes auraient commencé lorsque l’enfant vivait à l’orphelinat de Black Lake et se seraient poursuivis même après son déplacement dans un autre orphelinat, ainsi qu’au chalet de l’agresseur. Au total, le curé Bégin l’aurait agressé plus de 500 fois sur une période de 14 ans.
Il était aussi responsable de la pastorale et a travaillé dans une demi-douzaine de paroisses à travers le diocèse. Plusieurs de ses présumées victimes ont déjà témoigné publiquement dans les médias de l’impact dévastateur des sévices qu’ils ont subis.
Le curé Bégin s’est suicidé en 1986 dans le chalet où il aurait agressé plusieurs de ses victimes.
Les autorités au courant
L’ex-diacre Herman Cassista, visé par l’action collective, a déjà plaidé coupable et a été condamné à sept ans de prison pour avoir agressé sept adolescents sur une période de 20 ans entre 1972 et 1991, alors qu’il enseignait la pastorale dans une école secondaire de Saint-Tite-des-Caps. Au moment de sa condamnation en 2013, le juge avait critiqué l’archevêché de Québec et le directeur de la protection de la jeunesse pour avoir fermé les yeux après que Cassista eut fait l’objet d’une dénonciation dès 1986.
Un autre récidiviste à avoir fait la une des journaux est l’abbé Denis Vadeboncœur, membre des Religieux de Saint-Vincent-de-Paul. En 1985, il a été condamné à 20 mois de prison pour agressions sexuelles sur quatre mineurs au Québec.
Malgré l’existence de son casier judiciaire, il a été déplacé par les autorités religieuses françaises dans une paroisse de Normandie, où il a fait une nouvelle victime et où il a été condamné cette fois à 12 ans de prison.
Une présumée victime au Québec et une autre dans le Maine
Au numéro 37 de la liste des présumés agresseurs apparaît seulement un nom de famille, Descombes, et le lieu où il aurait agressé sa victime de 16 ans en 1955 : le chalet du religieux.
L’abbé Eugène Descombes a aussi servi en Ontario, en Floride et dans le Maine. Une plainte d’agression sexuelle le visant a été portée à l’attention du diocèse de Portland en 2021 pour des gestes commis à la même époque contre une personne mineure. L’agression serait survenue lors d’un voyage au Canada. Après enquête par les autorités du diocèse de Portland, la plainte a été retenue comme étant crédible(Nouvelle fenêtre).
Les autorités religieuses du Maine affirment avoir avisé le diocèse de Québec de cette plainte et des résultats de leur enquête. À Québec, l’abbé René Tessier, un porte-parole du diocèse, a expliqué que la plainte aurait possiblement été transmise à son Comité-conseil sur les abus sexuels, mais qu’il ne voyait guère l’utilité d’avoir rendu l’information publique après tant d’années. Descombes est décédé en 1980.
Or si on se fie aux documents judiciaires publiés dans le cadre de l’action collective, il pourrait toutefois y avoir de présumées victimes encore en vie.
Un grand nombre d’agressions auraient été commises dans des établissements d’enseignement où l’embauche et l’encadrement du personnel relevaient en grande partie du ministère de l’Éducation.
L’abbé Gilles Noreau a plaidé coupable en avril 2004 à sept chefs d’accusation d’avoir posé des gestes à connotation sexuelle, commis sur une période de 23 ans, entre 1965 et 1988. Il a reconnu avoir fait sept victimes, essentiellement en lien avec son travail d’enseignement au Petit Séminaire de Québec. On ignore si certaines des victimes ayant porté plainte au criminel sont parmi les plaignants au recours civil. Au moins trois victimes ont désigné l’abbé Noreau comme leur agresseur dans ce recours collectif.
Outre le Petit et le Grand Séminaire de Québec, les séminaires Saint-Victor et de Sainte-Marie en Beauce, les collèges de Lévis, de La Malbaie, de Sherbrooke, celui de Sainte-Anne de la Pocatière, ainsi que des écoles primaires et secondaires à Baie-Saint-Paul, Charlesbourg, Saint-Ludger, Robertsonville, Sainte-Foy et Lévis apparaissent sur la liste.