[The case grows. While the diocese of Lyon announced in October 2015 that one of its priests was impeached and indicted for sexual abuse of minors, a victims association was constituted and put into question the silence the diocese and Cardinal Barbarin.]
De quoi s'agit-il ?
Le père Bernard Preynat, septuagénaire, prêtre du diocèse de Lyon, est soupçonné d'avoir commis des attouchements sexuels dans les années 1980, sur des scouts âgés de 7 à 11 ans, dans le cadre des activités paroissiales de la paroisse Saint-Luc à Sainte-Foy-les-Lyon, où il était vicaire de 1972 à 1990. Quatre plaintes ont été déposées en mai 2015, et certainement « plusieurs autres à venir », prévient François Devaux, ancienne victime (en 1990, à l'âge de 11 ans), joint par téléphone, qui rappelle que « techniquement », toutes ne sont pas « victimes » au sens juridique du terme « car il y a prescription » – celle-ci s'appliquant 20 ans à compter de la majorité de la victime.
Le père Preynat, destitué officiellement de son poste de doyen de plusieurs paroisses dans le Roannais en mai dernier, a été placé sous contrôle judiciaire et mis en examen le 27 janvier pour « agressions sexuelles aggravées ». Il a aussi été mis sous régime de « témoin assisté » pour trois viols. Le nombre de victimes déclarées s'élèverait à 45, d'après François Devaux. Elles dénoncent notamment des attouchements et des fellations.
Fait exceptionnel, le père Preynat n'a jamais nié les faits, comme l'explique le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, dans une interview à La Croix. A l'époque, le père Preynat avait même écrit aux parents de François Devaux pour demander pardon, d'après une lettre publiée sur le site de l'association La Parole libérée, reconnaissant les faits « qui sont pour moi une blessure profonde dans mon coeur de prêtre », avait-il écrit.
Plainte pour « non-dénonciation »
Cette association de victimes du prêtre s'est constituée en janvier dernier pour « faire ouvrir les yeux à la société, les institutions, jusqu'au gouvernement, sur ce qu'il se passe », lâche François Devaux qui pointe « l'irresponsabilité » de l'archevêché de Lyon, « au courant de l'affaire » depuis 1991, ses parents ayant réclamé la destitution du père Preynat au cardinal de Lyon de l'époque, Mgr Decourtray. Celui-ci l'avait suspendu de ses fonctions puis remis en fonction quelques mois plus tard.
« Il s'agit pourtant de viols et de non-dénonciation », dénonce François Devaux alors que l'association « se dirige vers un dépôt de plainte pour non-dénonciation contre le cardinal Barbarin ». « Le cardinal explique à La Croix qu'il connaissait les faits depuis 2007, continue l'ancienne victime qui ne décolère pas, alors qu'un communiqué du diocèse de Lyon nous annonçait en janvier que le cardinal n'avait pris connaissance des faits qu'en 2014, [recevant une victime ayant pris contact avec lui, ndlr]. Il avait connaissance du passif du père Preynat et l'a malgré tout laissé à sa charge, au contact de petits enfants. »
Aujourd'hui, François Devaux refuse de communiquer avec l'archevêque de Lyon qui a souhaité entrer en contact avec lui, estimant qu'il « joue la transparence ».
La réponse du cardinal Barbarin
« Pourquoi je ne l'ai pas dénoncé ? » se défend le cardinal Barbarin sur RCF le 12 février : « Parce qu'il y avait prescription canonique ; il n'y avait pas non plus de plainte des victimes depuis [ni avant, ndlr] ». « Du point de vue canonique les faits étaient anciens », reprend-il, confirmant avoir maintenu à son poste le père Preynat en connaissance de cause.
Dans cette interview, le cardinal explique en effet avoir été informé des agissements du père Preynat par un ancien membre de la paroisse de Sainte-Foy-les-Lyon, autour de 2007-2008. Il avait alors appelé le prêtre par téléphone qui avait reconnu les faits tout en lui assurant que rien ne s'était passé depuis. « Certains me reprochent de l'avoir cru. Oui, j'ai cru. Il n'y a pas de plaintes sur les faits d'avant et pas après », rapporte le cardinal qui assure que « si la justice civile dit qu'il y a prescription, [il] demandera à Rome la levée de cette prescription pour qu'il y ait un jugement canonique et une condamnation qui soit exprimée ».
L'archevêque de Lyon ajoute que cette affaire est « une très grande épreuve ». « Je remercie les victimes parce qu'elles ont enfin déposé une plainte, énonce-t-il. C'est profitable pour eux, pour dénouer un nœud énorme qui se trouve en eux depuis très longtemps, et pour nous, pour faire la vérité. »
En 2008, alors que le cardinal était interrogé par une journaliste se faisant passer pour une victime d'un prêtre pédophile, il l'avait poussée à dénoncer les faits et à porter plainte parce qu'elle y avait « droit »; « la blessure à l'intérieur de vous, doit être guérie », avait-t-il déclaré.