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Bonnecombe. Procès Du Frère Albert : LA Lutte De Quatre Victimes Collatérales LA Depeche December 3, 2011 http://www.ladepeche.fr/article/2011/11/29/1227345-bonnecombe-proces-du-frere-albert-la-lutte-de-quatre-victimes-collaterales.html
Pierre-Etienne Albert, ancien frère de la communauté des Béatitudes, sera jugé mercredi devant le tribunal correctionnel de Rodez, pour attouchements sur mineurs. Dans la salle, ses chaperons pourront enfin passer la main. « La justice reçoit enfin Pierre-Etienne, ce n'est plus nous qui protégeons la société. » Après onze ans à suivre comme son ombre cet ancien membre de la communauté des Béatitudes, c'est le soulagement qui domine chez Murielle Gauthier et ses trois soutiens indéfectibles, le père Jean-Baptiste Tison, Gisèle et Alain. Si Pierre-Etienne Albert est jugé cette semaine pour des faits qui s'étendent sur 20 ans et sur de nombreuses régions de France, c'est en effet au sein de la petite abbaye de Bonnecombe, à Comps-la-Grandville, qu'il a avoué, en juillet 2007, avoir commis des attouchements sexuels sur quelque 57 enfants mineurs de la communauté. Et ces aveux sont le fruit d'un long travail de surveillance et de vérité effectué par le quatuor, Murielle y jouant la voix de la conscience revenant sans cesse tarauder Pierre-Etienne pour le pousser à parler. « Enfin on passe la main, témoigne-t-elle, à l'approche du procès, c'est l'aboutissement de la reconnaissance des victimes. » Pour autant des craintes persistent au sein du petit groupe qui n'est « pas sûr qu'après le procès le soulagement sera complet ». « Le procès va régler l'affaire Pierre-Etienne, explique ainsi Gisèle, mais les dégâts collatéraux qu'est-ce qu'ils vont devenir ? » Et le quatuor de dénoncer une « mise à l'écart » faite par la direction des Béatitudes dès le moment où ils ont mis en doute la conduite de Pierre-Etienne, jusqu'à la suspension de leurs droits au sein de la communauté en mai 2008. Encore aujourd'hui, l'évêché leur conteste leur droit à demeurer à l'abbaye, sans leur proposer d'autre solution « valable », à leurs yeux. « On est mis en état de pourrissement », dénonce Gisèle, qui a également enclenché avec Alain, une procédure devant les Prud'hommes pour réclamer de nombreuses années de cotisation retraite non versées par les Béatitudes. Alors le procès de mercredi « ce n'est qu'une étape », complète le père Jean-Baptiste. Une étape dont ils espèrent néanmoins beaucoup. D'abord, et évidemment, une condamnation. Bien que le prêtre ne soit pas habité par la rancœur - ce n'est pas dans sa nature chrétienne - « le dégoût oui » face aux actes reprochés à Pierre-Etienne « qui a besoin d'être jugé ». « J'attends du procès que la justice pointe du doigt les chefs des Béatitudes [convoqués comme témoins assistés] qui n'ont pas fait ce travail de vérité pendant 20 ans, ajoute Alain, et aussi les responsables de l'Église, notamment les évêques qui n'ont rien dit. » La présence des quatre anciens modérateurs généraux de la communauté - Ephraïm, Philippe Madre, Fernand Sanchez et François-Xavier Wallays - est un premier pas pour les résidants de Bonnecombe. « Leur présence est fondamentale pour les victimes qui n'en veulent pas qu'à Pierre-Etienne, précise le père Tison. On ne peut pas les poursuivre pour non-dénonciation à cause de la prescription mais les interroger c'est déjà établir, même faiblement, leur responsabilité. » Plus encore, Murielle souhaite « que le procès fasse avancer le débat sur la pédophilie dans l'Église ». Elle qui a été diabolisée par sa communauté, « garde la foi et l'espérance ». Et quitte à avoir perdu onze ans de sa vie, elle s'investit aujourd'hui dans le collectif des victimes du psycho spirituel du Centre contre les manipulations mentales afin d'« apporter une réflexion tangible à l'Église sur ces nombreuses dérives sectaires dont l'affaire Pierre-Etienne a été révélatrice ». Dernier espoir, et non des moindre : que le procès permette - enfin - aux hommes d'Église de voir les quatre résidants sous un jour meilleur. Murielle Gauthier raconte sa vérité dans une dizaine de vidéos à visionner sur le site You Tube. « Reprendre possession de mon histoire » Elle est l'une des sœurs de Solweig Ely, connue récemment pour son livre « Le Silence et la honte » (lire ci-dessous). À 28 ans, cette jeune femme, qui souhaite rester dans l'ombre (Photo DDM), sera partie civile au procès de Pierre-Etienne. C'est la première fois que vous contactez un média. Pourquoi aujourd'hui ? Je suis restée discrète sur cette affaire, personne n'était au courant. Quand Solweig a témoigné dans l'émission « Pièces à convictions » (19 octobre) et que mon ancien prénom y est apparu, j'ai été obligée d'en parler. Alors lorsque son livre est sorti, mi-novembre, et que je n'y apparaissais pas comme victime, j'ai été obligée de me justifier sur mon statut de victime. Aujourd'hui, je voulais contacter la presse pour mon entourage, pour m'exprimer par rapport à des propos que j'estime faux dans ce livre. Quels passages contestez-vous ? Je me sens blessée de voir beaucoup d'expressions qui commencent par « mes sœurs et moi » et sont suivies d'émotions qui ne sont pas les miennes. Je me sens dépossédée de mon histoire. Certains propos sont également très douloureux sur des faits qui me concernent mais je ne veux pas en parler. Mon cheminement aussi a été balayé quand elle raconte que la famille s'est liguée contre elle lorsqu'elle s'est constituée partie civile. C'est totalement faux, je l'ai soutenu depuis le début et je suis également en rupture avec ma famille même si ce n'est pas pour les mêmes raisons qu'elle. L'histoire de ma famille est très lourde et ne doit pas être limitée à l'affaire Pierre-Etienne. Mercredi vous serez au procès, comment le vivez-vous ? Je me suis constituée partie civile en 2008 puis retirée lors de l'instruction parce que j'avais peur d'être confrontée aux propos de Pierre-Etienne. Le fait que je me sois à nouveau constituée en octobre dernier révèle mon état d'esprit. En 2008 Pierre-Etienne s'est rendu à la justice. Il était prêt, pas moi. Aujourd'hui, même si je ne suis pas réellement prête je me suis constituée pour avoir accès au dossier de l'instruction et ne pas laisser partir cette part de mon histoire. J'ai décidé de faire face même si j'appréhende. Quels faits reprochez-vous à Pierre-Etienne ? Je ne veux pas en parler. Je n'y arrive pas encore. J'ai passé une année à la communauté dans l'abbaye Blanche de Mortain (Manche), de 1989 à 1990, ça s'est passé durant ce temps-là, c'est tout ce que je peux dire. Quatre anciens modérateurs (chefs) des Béatitudes vont témoigner. Qu'en pensez-vous ? Pour être vraiment sincère, ils sont là pour éclairer certains points mais par rapport à Pierre-Etienne. Par respect pour les victimes, ça doit rester le procès de Pierre-Etienne. La responsabilité des Béatitudes doit être un autre combat. Qu'attendez-vous du procès ? J'attends la vérité. J'ai besoin de justice. Que le juge mette en lumière certaines zones d'ombres… Je vais au procès pour ma propre histoire, je laisse Solweig avec la sienne. «La page The end va se fermer jeudi» À 31 ans, Solweig Ely vient de publier son livre « Le Silence et la honte » aux éditions Lafon et elle est une des parties civiles au procès de Pierre-Etienne, dont elle a été la première à dénoncer les actes (Photo DDM, J.P.) Pierre-Etienne ne reconnaît pas tous les faits que vous lui reprochez. Comment l'expliquez-vous ? Au départ il a juste avoué m'avoir embrassé mais au fil des interrogatoires il a fini par en lâcher un peu plus. Il est malade et je ne suis pas la seule avec qui il minimise les faits. Je pense qu'il se perd un peu entre la réalité de ce qu'il a fait et ce qu'il aurait voulu faire. Quel est votre état d'esprit à l'heure du procès ? Aujourd'hui je suis dans un besoin nécessaire de reconstruction, de tourner la page. Besoin d'être reconnue comme victime, qu'il soit condamné pour ce qu'il a fait. C'est la dernière étape. J'ai réussi à me construire un cocon familial où je suis une femme et une maman comblée mais il y avait toujours ce nuage au-dessus de ma tête. Vous allez être dans la même pièce que Pierre-Etienne… J'appréhende, mais ma plus grande victoire ça serait, non ça sera, de croiser son regard et de ne pas baisser les yeux. De rester la femme que je suis et de ne pas redevenir la petite fille que j'étais. Les anciens modérateurs des Béatitudes vont témoigner. Qu'en attendez-vous ? Je ne m'attends pas à la vérité. Lui nous a faits du mal par ses gestes, eux par leur silence. Mais s'ils devaient être au banc des prévenus, ça ne devrait pas être mercredi, ça devrait être un autre procès. Votre livre raconte votre « parcours chaotique » mais une de vos sœurs conteste certains faits la concernant. Que lui répondez-vous ? Ce livre c'est une démarche très personnelle pour ma reconstruction. J'ai vomi mon histoire et la page The end va se fermer jeudi. Il y a certains passages où j'évoque la présence de mes sœurs mais c'est pour contextualiser. J'y suis obligée pour expliquer comment le silence s'est imposé. J'ai tout fait pour parler de mon histoire et non de la sienne. Je ne veux pas la dévaloriser en tant que victime. Je ne minimise pas son histoire parce que je ne la connais pas. Je ne me permets pas de parler de son statut de victime parce que ce n'est pas à moi de le faire. Si réellement ce livre a pu lui faire du mal, j'en suis désolée. J'aurais aimé qu'on arrive main dans la main au tribunal. L'affaire en quelques dates 1998: Pierre-Etienne arrive à Bonnecombe pour « animer la formation liturgique ». Mai 2000 : Murielle Gauthier intègre la communauté comme laïque avec son mari et leur fille. Novembre 2000 : Pierre-Etienne lui avoue un « problème ». Le père Tison dit en avoir informé le modérateur général François-Xavier Wallays qui décide alors d'isoler Murielle durant 1 an. 2001: Solweig Ely dénonce son agression par Pierre-Etienne. Une procédure est ouverture par le tribunal d'Avranches (Manche) et Murielle et le père Tison en sont informés. Septembre 2002 : La communauté quitte Bonnecombe. Murielle, Gisèle, Alain, le père Jean-Baptiste et Pierre-Etienne restent à l'abbaye. 2003: Pierre-Etienne est entendu comme témoin assisté dans le cadre de la procédure d'Avranches. Murielle et le père Tison l'accompagnent. Pierre-Etienne avoue 15 noms de victimes dans diverses «maisons» des Béatitudes en France. 2004: Le juge d'Avranches prononce une incompétence territoriale et renvoie le parquet à mieux se pourvoir. Juillet 2007 : Pierre-Etienne est « nerveux » vis-à-vis du tapage médiatique sur les dérives sectaires des Béatitudes. Murielle le convainc de tout avouer. Il liste une soixantaine de victimes. Murielle affirme avoir envoyé un dossier complet au modérateur général Wallays sans obtenir de réponse. 20 août 2007 : Murielle dénonce les aveux de Pierre-Etienne au procureur d'Albi. 5 février 2008 : Une information judiciaire est ouverte à l'encontre de Pierre-Etienne sur les chefs d'agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité. |
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