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Pedophilie, Les Commissions D’enquete NE Peuvent Tout Resoudre The La-Croix January 11, 2011 http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2451770&rubId=4078 Dans de nombreux pays europeens, des instances ont ete mises en place pour faire le point sur les abus sexuels. Celles creees par l’Eglise catholique dans un but « pastoral » soulevent des questions
En septembre, la commission creee par l’Eglise catholique belge et pilotee par le pedopsychiatre Peter Adriaenssens rendait son verdict : en six mois, elle a recu 475 plaintes pour abus sexuels, identifie 186 pretres abuseurs, dont 91 encore vivants, et appris le suicide de 13 victimes. Depuis, c’est une autre commission, composee de parlementaires, qui, apres avoir auditionne les eveques en decembre, recoit depuis le 10 janvier les superieur(e)s de congregations religieuses mises en cause. En Allemagne egalement, auditions, rapports et propositions se succedent : le 1er decembre, la « table ronde » gouvernementale a annonce a la fois un programme de recherche sur le moyen de prevenir ces abus et un durcissement de la loi. Et chacun se souvient de Mgr Diarmuid Martin, archeveque de Dublin, eprouve, tenant a la main l’un des fascicules du volumineux rapport rendu par la juge Murphy en novembre 2009… Quel bilan tirer de ces structures ? En realite, il n’existe pas de reponse unique. Il faut deja distinguer les commissions creees a l’initiative des eveques (en Belgique, aux Pays-Bas) et celles creees a l’exterieur de l’Eglise, par le gouvernement ou le Parlement (Allemagne, Autriche, Irlande). Ni les unes ni les autres ne se substituent, d’ailleurs, aux instructions judiciaires ou aux procedures civiles declenchees ici ou la par certaines victimes. Parce que la problematique depasse largement les abus sexuels En Allemagne, c’est parce que la problematique depasse largement les abus sexuels commis par des pretres ou des religieux, englobant aussi tout le probleme de la maltraitance des enfants confies a des foyers au sortir de la guerre, que deux tables rondes ont ete mises en place par le gouvernement. L’Eglise catholique n’est donc pas la seule concernee, meme si elle l’est sans conteste, comme l’ont montre les revelations sur le college jesuite Canisius a Berlin ou la demission de Mgr Walter Mixa, eveque d’Augsbourg (Baviere). En Irlande, a l’inverse, c’est bien l’Eglise catholique qui est visee : elle gere 92 % des ecoles primaires et 70 % des ecoles secondaires. Precisement pour cette raison, ce sont des commissions d’experts independants, presidees par des juges nommes par le gouvernement, qui ont pu lever le voile sur des abus commis au sein des paroisses et de 18 congregations religieuses gerant 216 etablissements. L’initiative ecclesiale est venue du Saint-Siege, sous la forme d’une visite apostolique (lire ci-dessous). Par comparaison, les Eglises belge et neerlandaise se distinguent par leur reactivite. Des 1995 aux Pays-Bas, les eveques ont cree une commis sion baptisee « Hulp en Recht » (« Aide et Droit ») pour recueillir les plaintes pour abus sexuels dans le cadre d’une relation pastorale. En Belgique, c’est l’affaire Dutroux qui a pousse leurs confreres a mettre sur pied, des 2000, une premiere commission confiee a une magistrate honoraire. Pour autant, ces deux instances n’ont pas ete exemptes de critiques, en particulier sur le champ de leur mission. "Offrir de l’aide et du droit" A tel point qu’aux Pays-Bas, l’Eglise a cree une seconde commission, presidee par Wim Deetman, juriste protestant, ancien maire de La Haye, qui a reconnu que « Hulp en Recht » avait un mandat trop « complexe » : a la fois « offrir de l’aide et du droit, soigner victimes et accuses, appliquer le droit civil neerlandais et le droit canonique ». La seconde instance est donc composee d’experts independants et chargee d’etablir davantage les causes des abus, de determiner s’il y a eu dans l’Eglise une « culture du silence » et enfin d’evaluer les reponses apportees aux victimes. Autre reproche adresse a ces instances creees par les eveques : elles seraient le moyen, pour l’Eglise catholique, de « se faire justice elle-meme ». C’est notamment la critique faite a la seconde commis sion creee en 2010 par l’Eglise belge, et confiee au pedopsychiatre Peter Adriaenssens. En vertu de ses statuts, celle-ci etait destinee a « favoriser la guerison des personnes blessees », « diminuer les risques de recidive » en essayant « d’accroitre la conscience de la gravite de l’abus chez l’auteur » et a « renforcer en general la communaute ecclesiale dans le traitement de cette problematique tragique ». Mais les associations de victimes l’ont suspectee de freiner le transfert a la justice des dossiers qui ne seraient pas prescrits et surtout de ne pas vouloir aborder la question d’un eventuel dedommagement financier. Dans son rapport presente le 10 septembre dernier, Peter Adriaenssens conseille d’ailleurs « de ne plus donner a une future initiative le nom de commission » car le terme peut « etre associe aux termes “commission d’enquete” et “commission parlementaire” ». "Le critere doit etre la volonte de la victime et de ses proches" Pourtant, aux yeux du P. Xavier Dijon, jesuite, professeur a la faculte de droit de Namur, la rencontre organisee, sous l’egide de cette commission, par l’eveque entre la victime, gardant son anonymat, et son abuseur reconnaissant les faits est « la solution ideale, la plus humaine ». « L’abus sexuel est une perversion extremement grave de la relation pastorale : il faut inverser cela en retablissant une relation humaine », fait-il valoir, notant que pour beaucoup de victimes, « le plus important est la reconnaissance des souffrances subies » et l’assurance que l’autorite spirituelle empechera toute recidive. « Evidemment, cette demarche est suspectee de vouloir cacher, camoufler. Mais pour moi, meme devant la justice civile, la repression n’est pas toujours l’ideal. Le critere doit etre la volonte de la victime et de ses proches. » Ces instances, destinees a faire prendre conscience a la « communaute ecclesiale » de la gravite du probleme, ne presentent-elles pas l’inconvenient de favoriser ensuite les demandes d’indemnisation ? « C’est une bonne question, repond le P. Dijon. Mais il faut distinguer le plan juridique et le plan moral. » Sur le plan moral, ces commissions sont a ses yeux pleinement justifiees. Dans un contexte certes different, l’Eglise de France a choisi une autre option : celle de ne mettre en place aucune instance de recueil ou de traitement national mais de tout renvoyer vers la justice. Une decision prise en 2000 alors qu’elle etait secouee par deux proces, a Bordeaux et a Bayeux, dans lesquels l’eveque lui-meme avait ete condamne avec sursis pour non-denonciation d’un pretre pedophile. « Tous les juristes que j’ai sollicites m’ont mis en garde. Il ne nous appartient pas de declarer si une plainte est prescrite, ni de mener une enquete qui pourrait etre comprise comme une tentative d’etouffement de l’affaire », indique Mgr Bernard-Nicolas Aubertin, archeveque de Tours et president du conseil pour les questions canoniques de la Conference episcopale. Resultat : selon la CEF, 51 pretres sont actuellement mis en examen pour des faits de pedophilie, neuf en prison et 45 ont accompli leur peine, soit une centaine sur un total de 19 640 pretres. Cette procedure n’empeche-t-elle pas certaines victimes desireuses de conserver leur anonymat de se signaler ? « C’est une question qui peut se poser », repond l’eveque, estimant toutefois que si les plaintes avaient du affluer, elles l’auraient sans doute fait en 2000. |
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